Que nous dit le modèle d'offre et de demande sur l'évolution du cours du rouble depuis le 24 février ?
Souvenez-vous, le prix de marché dépend des quantités échangées à l'équilibre. Dans la mesure où il n'est pas possible de contrôler directement le prix du rouble (ou alors au prix de sortir le rouble des marchés financiers internationaux, une mesure extrême), les autorités russes peuvent essayer de contrôler les quantités pour essayer de limiter l'effondrement de son prix. En d'autres termes : en contrôlant les quantités, on peut indirectement contrôler les prix.
C'est exactement ce qu'il s'est passé : les autorités russes ont mis en place un ensemble de mesures pour contrôler les quantités. Il est par exemple interdit aux entreprises russes de vendre du rouble en contrepartie d'autres monnaies, certaines d'entre elles ont été obligées de convertir leurs devises étrangères en rouble, les retraits en monnaie étrangère sont limités — et ainsi de suite.
Ce contrôle d'une partie importante des quantités sur le marché a deux effets. Le premier est que dans la mesure où le volume des échanges s'est massivement réduit, il est plus facile de manipuler le prix du rouble en manipulant les quantités échangées. Une comparaison pour essayer de comprendre : si on considère le prix comme un objet physique et le volume des échanges comme la masse de cet objet, il est plus facile de faire bouger un objet dont la masse est petite plutôt qu'un objet dont la masse est grande.
Le second, c'est qu'en contrôlant une partie importante des quantités, les autorités russes sont en fait capables de déplacer les courbes d'offre et de demande d'une manière telle qu'elles peuvent artificiellement remonter le cours du rouble. C'est ce qu'illustre le graphique ci-dessous : les courbes d'offre et de demande se déplacent dans le graphique (du fait des mesures prises par les autorités russes). Ce graphique se veut une illustration à la fois du maintien du prix du rouble à son niveau pré-guerre (la valeur du prix de marché, visible sur l'axe vertical, ne change pas) et de la baisse des quantités échangées (qui sont plus proches de l'origine sur l'axe horizontal).
Une note importante : ce graphique est avant tout pédagogique. Je ne l'ai pas conçu pas comme une représentation nécessairement fidèle de la réalité. Par exemple : les fonctions d'offre et de demande ne sont pas nécessairement des droites, ou encore les déplacements des courbes peuvent être différents que ceux représentés ici.